Le Bonbon

Secret d'Histoire #2 : le théâtre Graslin

Édifié à la fin du 18e siècle, le théâtre Graslin est inscrit à l'inventaire des monuments historiques depuis 1998. Retour sur l'histoire de ce haut lieu de la culture nantaise, indissociable de l'image du quartier du même nom.

On a du mal à imaginer Nantes sans le majestueux théâtre Graslin, pourtant, il n'a vu le jour qu'à la fin du 18e siècle. Avec ses 784 places assises, l'opéra Graslin est l'un des deux lieux de résidence du syndicat mixte Angers-Nantes Opéra. Aujourd'hui incontournable à Nantes, le théâtre Graslin n'a pourtant pas toujours fait partie du décor et bien des obstacles se sont mis en travers de sa construction. 

Au 18e siècle, le commerce nantais se porte très bien, notamment grâce aux armateurs enrichis par la traite négrière. Cet enrichissement des Nantais entraine l'apparition d'hôtels particuliers et d'infrastructures publiques considérables. En 1760, Jean-Baptiste Ceineray est désigné comme architecte de la ville et la transformation de celle-ci s'accélère. À Nantes, il existe une grande tradition du théâtre et de l'opéra, on peut y voir des oeuvres dès 1687. À l'époque, c'est le Théâtre des Variétés, rue Bignon-Lestard (l'actuelle rue Rubens) qui attire les foules, mais sa capacité est limitée. En 1727, le maire Gérard Mellier a fondé une académie de musique qui n'a malheureusement pas de lieu approprié pour ses représentations. 

Un projet d'envergure imaginé par Jean-Joseph-Louis Graslin

De nombreux projets de théâtres ou de salles de spectacles sont imaginés puis abandonnés par manque d'espace. À la fin des années 1770, le receveur général des fermes du Roi, Jean-Joseph-Louis Graslin envisage de financer une opération immobilière d'envergure. Dans ce qui est l'actuel quartier Graslin (tiens, tiens), il achète des terres agricoles afin d'y construire des hôtels particuliers entourés de voies publiques de qualité, elles-mêmes bordées de bâtiments publics : théâtre, hôtel des fermes, musée, « hôtel garni », une nouvelle église Saint-Nicolas ou encore la bourse de commerce. Ce projet se heurte à l'opposition des marchands car le site choisi est jugé trop éloigné du centre d'activité. D'autant que le clergé est opposé à la construction d'un théâtre proche d'un lieu de culte. 

Cependant, on autorise à Jean-Joseph-Louis Graslin la construction de l'Hôtel de France sur l'esplanade (l'actuelle place Graslin) et l'ouverture d'une salle de spectacle. Il confie l'architecture du théâtre Graslin à Mathurin Crucy, qui va opter pour une architecture moderne, inspirée de l'opéra de Lyon (créé par Jacques-Germain Soufflot). Toutefois, il doit prendre en compte les nouvelles contraintes architecturales liées aux lieux publics : une facilité d'accès, l'éloignement des autres constructions pour limiter les risques d'incendie. C'est pour cela qu'il place l'opéra Graslin entre trois rues et la place Graslin

Mathurin Crucy, un architecte à la vision moderne

Si la plupart des salles de spectacle de l'époque s'inspirent des opéras italiens, Crucy opte pour plus de modernité. Il donne à Graslin une forme d'ovale tronqué et choisit un plafond en coupole et des loges séparées par des cloisons qui s'arrêtent à hauteur d'appui, au lieu des loges fermées à l'italienne. 

Le budget de ce projet est exorbitant et un emprunt (autorisé par le Roi en 1784) ainsi qu'un appel aux dons sont nécessaires. Retards et tensions s'accumulent. De plus, si la ville souhaite réduire les dépenses quant à la décoration intérieure, Crucy opte pour une décoration fournie : des représentations allégoriques du Théâtre décorent les balcons. Mathurin Crucy dessine aussi 9 décors de scène, qui seront réalisés par le peintre parisien Jean Bougon (aidé par le peintre Jean-Baptiste Coste) et le sculpteur Charles Robinot-Bertrand. La machinerie imaginée pour le théâtre Graslin est complexe. 

Le théâtre Graslin est inauguré le 23 mars 1788

Graslin, un théâtre reconstruit et réinventé

Malheureusement, le 24 août 1796, un incendie fait s'effondrer la coupole et le grand lustre. On dénombre 7 morts (4 spectatrices, dont une fillette de 5 ans, un machiniste, une femme de service et un danseur) parmi les 1500 personnes présentes ce soir-là. En 1806, Napoléon accorde à quelques villes l'autorisation d'entretenir une troupe permanente - Nantes en fait partie. Suite à la visite de l'Empereur en 1808, le théâtre Graslin est reconstruit à partir de 1911 (toujours par Mathurin Crucy) et à nouveau inauguré en 1813. 

La façade de l'opéra est ornée de 8 colonnes corinthiennes qui supportent le fronton. 8 statues de style antique les surplombent, elles représentent 8 des 9 muses. Elles sont conçues par le sculpteur Dominique Molknecht entre 1821 et 1829. Dans le hall d'entrée, il imagine deux statues représentant Molière et Corneille

En 1868, le théâtre Graslin est concurrencé par le nouveau théâtre de la Renaissance (qui compte plus de 3000 places). Cette rivalité se poursuit jusqu'en 1875 lorsque la ville rachète ce dernier : ils deviennent alors complémentaires. Le théâtre de la Renaissance est détruit par un incendie en 1912. 

Le 12 février 1918, le tout premier concert de jazz sur le continent européen est donné au théâtre Graslin. Après la défaite de 1940, le conseil d'administration donne sa décision de ne pas prévoir de saison. Cependant, l'autorité d'occupation fait savoir qu'elle veut voir l'institution revivre. Dès janvier 1941, Graslin est de nouveau en activité. 

Aujourd'hui, le théâtre Graslin programme des spectacles lyriques et classiques. 

Vos plus belles photos du théâtre Graslin