Le Bonbon

Le physio du mois : Fao, des Planches

EXT. LES PLANCHES - 40, RUE DU COLISÉE. NUIT

Le journaliste descend la rue du Colisée avec une certaine nostalgie. Il aperçoit Fao, l'éternel petit père des peuples de l'Ouest parisien, qui semble posté là depuis la nuit des temps, le temps d'une nuit. Il s'approche de l'Iceberg au cœur tendre et espère qu'il trouvera la clé de sa boîte à souvenirs. 

Comment t'es devenu physio ?

Par hasard. Ça date.. J'ai commencé il y a 30 ans, c'était l'Apocalypse, après c'est devenu Olivia Valère. J'ai rencontré quelqu'un qui m'a amené ici et qui m'a présenté. On m'a demandé si je voulais travailler, j'étais étudiant et ça a commencé comme ça. Au début j'ai fait le bar, ça m'a plu. Mais je ne suis pas quelqu'un de la nuit, j'ai peu d'amis de ce milieu-là, c'est vraiment mon travail. Tu ne me verras jamais ailleurs, je ne sors pas. Un restaurant oui, une discothèque jamais.

Qu'est-ce que tu préfères et qu'est-ce que tu détestes dans ce métier ?

Si on le fait c'est qu'on aime ça. Je déteste rien. C'est fatiguant la nuit, oui, mais c'est sympa comme métier. Il faut être patient. On rencontre des gens aussi, et c'est agréable. Et puis c'est une clientèle que j'aime bien, j'ai vu passer des générations. J'ai connu les pères, les grands frères. En cela je pense avoir eu de la chance.

Qu'est-ce qui différencie le bon du mauvais physio ?

Un bon physio est aimable avec les gens, ce n'est pas quelqu'un qui pense qu'il a un pouvoir ou quelque chose comme ça. Personnellement, avec 30 ans derrière moi, si quelqu'un est déjà passé ici, je le reconnais, ça fait partie des habilités. Les mauvais côtés... ça m'arrive par exemple de me tromper, de refuser des gens très bien, ça c'est embêtant. Et puis parfois tu n'es vraiment pas aimé. C'est un peu ingrat.

Tu le repères comment le client casse-couilles ?

Ça c'est l'habitude. Je vois arriver les gens, rien qu'à la démarche, le comportement, la façon de parler... c'est l'expérience. De toute manière, ils ne sont jamais bien méchants, il n'y a jamais de bagarres, c'est des chamailleries, c'est bon enfant et ça ne va jamais trop loin. S'il y en a qui s'incrustent dans un groupe de filles sympas, je le vois tout de suite. Je demande « Comment il s'appelle lui ? », et là, silence.

On t'a déjà fait des propositions insolites pour rentrer ?

Il ne faut jamais accepter, si tu tombes là-dedans, c'est fini. En général c'est de l'argent, mais une fois, une fille que j'ai refusée car elle était mal habillée m'a dit : « Si je reviens toute nue, je pourrais rentrer ? », je ne pensais pas qu'elle allait le faire alors j'ai dit oui, par défi. Eh bien elle est revenue, je lui ai tout de suite dit de remettre ses vêtements et je l'ai laissé rentrer.

Tu as déjà travaillé ailleurs ?

Avec Valère toujours, à Marbella, ou au Maroc, pour des soirées ponctuelles comme physio l'été. Je regrette rien, j'ai passé des bons moments dans la nuit.

Et avec les nanas, ça aide ?

Moi, personnellement, je suis marié, mais pour certains physios j'imagine que ça peut être bien, oui. Par contre les filles d'ici je les adore, c'est très familial. Elles sont venues me dire mercredi dernier leurs notes et leurs mentions avant de faire la fête à l'intérieur.

Sur 30 ans, ton meilleur souvenir ?

J'ai beaucoup de souvenirs... J'ai rencontré des gens célèbres, à l'époque de Valère on en a vus, oui... ça a changé. Barry White a fait un concert ici, on a vu Madonna. J'avais un album photo avant, je ne l'ai plus mais j'ai toujours les souvenirs. Puis il y a eu pas mal de films, "Les Infidèles" récemment, beaucoup de clips aussi. Et puis l'ambiance, avant c'était vraiment des fêtards. Après ils sont toujours sympas, même les soirées étudiantes du mercredi, ils sont vraiment gentils. L'endroit est magnifique, mais j'aimais bien comment c'était avant. Les tables en cuivre, la moquette, les tapisseries murales. Ça a perdu un peu de charisme. Mais quand je vois l'eau qu'il y a sur le sol, j'imagine ce que la moquette prenait avant !

Tu as d'autres projets ?

Si j'arrête ici, j'arrête tout court. Et je commence à être fatigué, donc ça sera peut-être bientôt. On m'a déjà proposé de travailler ailleurs, j'ai toujours refusé, ici c'est comme une deuxième maison, j'y ai passé ma vie. Et puis après moi, les Planches continueront leur formule, puisqu'elle marche.

Un tuyau pour rentrer ?

En général c'est la clientèle habituelle qui revient. S'ils sont nouveaux, qu'ils présente bien, de toute manière je les sens les clients. Qu'ils soient simplement poli car après 30 ans, c'est automatique.