Le Bonbon

L'Homme Fidèle, ou la comédie romantique à la française

Pour son deuxième film derrière la caméra, Louis Garrel choisit à nouveau de se mettre en scène, là encore aux côtés de sa compagne, et là encore avec beaucoup de talent. Avec la parfaite dose d'humour et d'autodérision, L'Homme Fidèle nous raconte une histoire de triangle(s) amoureux typiquement française et diablement efficace.


Abel vit avec Marianne, dans l'appartement cosy de l'Ouest parisien de cette dernière. Ils sont amoureux, mais un matin, Marianne lui annonce qu'elle est enceinte... de Paul, un ami intime du couple. Abasourdi mais compréhensif, Abel s'efface, et laisse Paul épouser Marianne, sans chercher à les revoir. Huit ans plus tard, Paul décède soudainement mais tranquillement, dans son sommeil. À son enterrement, Abel n'a d'yeux que pour Marianne, qu'il va tenter de reconquérir. À quelques mètres de là, Eve, la petite sœur de Paul, dévore elle des yeux Abel, qu'elle a toujours aimé. Qui va l'emporter ? 

Dans un style très "cinéma français" fait de voix off, de notes de violon et de narration à la première personne, Louis Garrel s'amuse, par le biais de situations cocasses et des dialogues savoureux, à faire de l'amour un jeu auquel ses protagonistes s'adonnent avec une distance étonnante mais si typiquement littéraire qu'elle en devient crédible. Abel est trimballé de femmes en appartements, épousant avec volupté les courbes que les femmes dessinent pour lui. Et voilà Louis Garrel qui, plus que d'accepter le cliché qui s'attache à sa posture d'acteur, s'en sert et s'en amuse magnifiquement. Il serait donc un bellâtre un peu bourgeois et au romantisme suranné ? Soit, mais regardez, public, à quel point ce personnage est cinématographique ! Regardez comme sous ses traits et ceux de ses camarrades, l'amour se transforme en un idéal absolu de liberté !

Car L'Homme Fidèle ne se veut pas réaliste ni dramatisant, mais se construit plutôt comme une comédie romantique légère et rythmée, faite de comportements absurdes dans des situations réalistes, et inversement, et dont le schéma narratif ne semble régi que par l'excentricité de ses personnages. L'exercice de style est intéressant à analyser et constitue, dès lors que les interprètes, tous excellents, affichent une telle complicité, un plaisir de visionnage certain ; mais plus que tout, il fait souffler un vent de fraîcheur sur un genre qu'on pensait définitivement sclérosé. 


Après Les deux amis, Louis Garrel transforme donc l'essai avec beaucoup de panache et tout autant de maîtrise. Son Homme Fidèle, par sa légèreté mais aussi son habileté à nous fasciner, se pose calmement comme un petit plaisir, à consommer sans modération.