Plus de 400 salles obscures, environ 500 films à l’affiche chaque semaine, plus de 27 millions de spectateurs par an : Paris est réputée comme l'une des meilleures villes culturelles, et la densité des cinémas qu'elle abrite n'y est pas pour rien. Si la majorité des établissements sur son sol sont des cinémas de circuits - Pathé, MK2, UGC, CGR -, la dizaine de cinémas indépendants restante reste menacée par la spéculation immobilière. Un phénomène qu'a voulu endiguer le Conseil de Paris en adoptant une mesure inédite dans son nouveau plan local d'urbanisme (PLU).
Inscrire la spécificité des cinémas dans la loi
Si, en 30 ans, Paris est passé de 20 à 4 cinémas sur les Champs-Elysées, ce n'est pas par hasard : "Une salle de cinéma a besoin de pas mal de surface, et sa rentabilité au mètre carré est très inférieure à n’importe quelle activité commerciale", explique Michel Gomez, délégué de la mission cinéma à la mairie de Paris, au Parisien. Ainsi, jusqu'à récemment, si un cinéma faisait faillite, un investisseur pouvait le reprendre et le transformer en commerce quelconque ; il n'avait pas l'obligation de perpétuer son activité culturelle. Mais ça, c'était avant la brillante initiative du Conseil de Paris, situé majoritairement à gauche.
Pour faire bouger les lignes, les conseillers ont profité de la révision du code de l'urbanisme. Ceux-ci peuvent désormais faire l'objet de spécificités dans le PLU, permettant de les protéger. Les petites et moyennes exploitations ont été inscrites dans la catégorie des "logements" ; ainsi, les bailleurs ou d’éventuels futurs acquéreurs ne pourront pas transformer ces surfaces en bureaux ou y installer un autre type d’activité commerciale. Les réseaux d'exploitation français, eux, ne sont pas concernés, puisque pas, ou peu, menacés.
Le Luminor sauvé ?
Quid de la situation du Luminor, dernier cinéma indépendant du Marais, menacé de fermeture depuis 2020 ? Pas sûr que ce PLU puisse le sauver, aussi innovant soit-il. En cause, sa localisation : "Le cinéma se situe dans l’une des seules zones parisiennes où les règles fixées par le PLU ne s’appliquent pas", regrette Michel Gomez dans les colonnes du quotidien.
Les mesures adoptées récemment ne sont pas encore transposées au plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) qui s'applique au Marais : il faudrait une "refonte de ce plan" pour parvenir à généraliser ces éléments, ce qui met souvent quelques années. Seul espoir, porté par la majorité socialiste : la saisine du dossier par le ministère de la Culture, actuellement en stand by avec le remaniement du gouvernement.