Les voix et les musiques du monde arabe sont à l'honneur jusqu'au 19 août prochain à la Philharmonie de Paris. L'exposition Al Musiqa retrace ainsi l'histoire musicale de l'empire Ottoman jusqu'au café de Barbès, de la période préislamique à l'autotune. Si vous attendiez une critique exhaustive, passez votre chemin puisque l'ensemble est à l'image de son thème : aussi riche qu'éclectique. On vous en livre quelques fragments.
Pour commencer, enfilez un casque et écoutez donc la playlist de l'expo. Il faut savoir qu'Al Musiqa est organisée en sept phases, présentant les sonorités du monde arabe de la période préislamique jusqu'aux créations les plus contemporaines.
Bédouins, arabesques numériques et cinéma égyptien
On a été complètement happés dès le début, grâce à la projection de Dictums : Manqia 1, un court film de l'artiste égyptien Wael Shawky, qui s'est intéressé à un périple de bédouins et de leurs dromadaires. À l'écoute, la qasida, un long poème prisé à la fois par les populations nomades et sédentaires au au VIe siècle. Dans la même pièce, l'installation Douroub de Nja Mahdaoui suspend 20 tambours au-dessus de nos têtes.
Après avoir déambulé entre des murs parfois étroits, après être resté bouche bée devant les clichés immenses de Maïmouna Guerresi, The Golden Door et Aronne, et entendu le muezzin appeler à la prière, on entre au cœur de l'organe central de l'expo. Les amateurs d'instruments de musique, venez par ici et jetez donc un œil aux ouds, derbouka, luths et autres flûtes terminales Ney.
On a littéralement perdu 10 ans en découvrant les arabesques numériques de Miguel Chevalier : une œuvre de réalité virtuelle générative et interactive, sorte de tapis mouvant sur lequel les arabesques deviennent psychédéliques.
On chausse à nouveau le casque pour écouter Le Pavillon Bleu, le conte qui raconte l'histoire de ce prince qui épouse sept princesses, une par jour de la semaine. À côté, on peut jeter un œil aux imprimés à côté de chants du XVIe siècle et découvrir ainsi la musique arabo-andalouse apparue à Cordoue, qui marque les premiers liens avec l'Europe. Ça, c'était à partir du IXe siècle.
On fait une étape en Egypte pour jeter un œil au rôle central que le pays joue dès le XIXe siècle, qualifié de « nouveau centre du monde arabe » lorsque se trouve à sa tête Ismaïl Pacha. Pacha était le vice-roi d'Egypte et inaugure en 1869 le Canal de Suez en même temps que l'Opéra du Caire où venaient se produire des artistes du monde entier. Puis du théâtre musical on s'intéresse au cinéma égyptien, qui restera le plus important du monde non-occidental, devant Bombay, jusqu'à la fin des années 1970.
Immigration maghrébine et influence sur le paysage musical français
Un autre volet de l'expo est consacré aux influences qu'ont eu les musiques arabes sur le paysage culturel et l'imaginaire français. En cours dès le XIXe siècle, l'immigration maghrébine en France s'intensifie au lendemain de la Première, puis de la Seconde Guerre mondiale, encouragée par les mouvements d’indépendance et les besoins en main d’œuvre pour la reconstruction du pays.
Du coup à Paris, on a vu naître des cabarets orientaux notamment dans le Quartier latin, et les cafés, qui représentent un lieu de sociabilité où l’on écoute une musique qui rappelle le pays quitté : on y découvre la reconstitution d'un café de Barbès avec sa table en formica, ses jeux, son juke-box diffusant les musiques populaires de l'époque et les costumes prisés des musiciens.
Des radios libres (Radio Soleil, Radio Beur, Radio Gazelle puis Radio Orient) au raï, qui signifie "opinion" en arabe, la musique arabe devient accessible à tous et se teinte de sonorités rock, pop ou reggae.
La dernière partie est consacrée à la création contemporaine arabe, avec une scénographie ultra-colorée constituée de murs oranges, sur lesquels sont disposés des produits alimentaires du quotidien à la manière d’une épicerie. Assis sur des cagettes de plastique rouge, on tente de se concentrer sur un écran à la fois, parmi ceux qui diffusent des clips. La photo d’un vieil homme assis sur un lit au milieu de décombres attire notre regard. C’est celle de Joseph Eid, et on apprend que ce monsieur s’appelle Monsieur Anis (2017), un collectionneur de voitures syrien dans sa maison d'Alep, en Syrie.
Irrémédiablement, nous entretenons une histoire culturelle commune avec le monde arabe que l'exposition Al Musiqa nous dévoile, sans jamais en dire trop.
Exposition Al Musiqa
Philharmonie de Paris
221, avenue Jean Jaurès - 19e
Jusqu'au 19 août 2018