Irving Penn. Si ce nom ne vous évoque rien, il est cependant impossible que vous n’ayez pas vu au moins un de ses clichés. Virtuose du portrait, réputé pour son travail monumental effectué pendant plus de 60 ans pour Vogue, l’américain Irving Penn est aujourd’hui considéré comme un photographe phare du 20ème siècle. A l’occasion du centenaire de sa naissance (1917-2009), le Grand Palais dresse une rétrospective d’une œuvre magistrale, allant bien au-delà de simples photos de mode.
Brut de décoffrage
1938. Cette année-là, Irving Penn acquiert son premier Rolleiflex lorsqu’il est assistant à Harper’s Bazaar. Cinq ans plus tard, il entame sa collab pour Vogue en commençant par des clichés de natures mortes. Interrompu par sa participation à la guerre, il reprend en 1945 son travail pour le magazine où on lui confie la réalisation d’une série de portraits de personnalités. Ce quasi-inconnu de moins de trente ans se voit donner carte blanche pour réaliser ces clichés. Il se démarque immédiatement en employant des dispositifs minimaux : il place les célébrités – Truman Capote, Alfred Hitchcock, ou encore Salvador Dali – dans l’angle de deux cimaises fixées sur un châssis ou les fait s’asseoir sur un vieux tapis posé sur des caisses. Ces portraits sobres, en noir et blanc et à l’aspect brut font sa notoriété.
Il faut de tout pour faire un monde
Bien loin de se limiter aux célébrités, Irving Penn s’intéresse aux petites gens. En juillet 1950, alors qu’il photographie les collections parisiennes pour Vogue, il commence sa série sur les « petits métiers », qu’il continuera ensuite à Londres et New York. C’est alors un panel d’artisans ou vendeurs de rue – du rémouleur, au chiffonnier en passant par le boucher – que l’on découvre comme un vestige du passé. Il photographie ces métiers aujourd’hui révolus en utilisant le même studio, le même fond neutre et le même éclairage que les mannequins ou célébrités, restituant ainsi toute leur allure. Des clichés prenant que Vogue publiera également.
Un portraitiste hors pair
Les photographies d’Irving Penn frappent par leur puissance et l’émotion qui s’en dégagent. Car si le capteur d’images a bien une volonté, c’est de casser le masque que les célébrités portent trop souvent, et de réduire cette distance entre le photographe et le sujet. Pour cela, il créé dans son studio une ambiance détendue, offre un café et parvient le plus souvent à faire tomber leurs défenses. Picasso, John Galliano, Marlène Dietrich… Autant de portraits où beauté graphique et finesse psychologique se mêlent pour un résultat unique et qui fera sa marque de fabrique.
Au delà de la mode
Les commissaires se sont également attachés à exposer deux séries, moins connues du photographe, une de nues, l’autre de cigarettes, incomprises à l’époque où elles ont été présentées. Les nues montrent des corps généreux, surexposés, quant aux cigarettes, le public s’émeut « Pourquoi créer des images d’une beauté inouïe mais montrant des choses indignes de notre attention ? ». Bien qu’Irving Penn déteste la cigarette, il voit le mégot comme une illustration d’« une nation mise à mal par l’irresponsabilité des entreprises et des décideurs politiques ». Le dur et le beau sont réconciliés.
Eminent photographe de mode, mais aussi du monde – Cuzco, Afrique, Nouvelle Guinée –, Irving Penn réalise des photographies où esthétisme et émotion ne font qu’un, une des clés de sa virtuosité.
Irving Penn
Grand Palais
Jusqu’au 29 janvier 2018