Le Bonbon

Au Jeu de Paume, Tina Barney nous livre d'authentiques portraits de famille

Portraitiste sans égal, Tina Barney capture depuis les années 1970 la complexité des liens familiaux. Jusqu'au 19 janvier 2025, la photographe américaine est mise à l'honneur au Jeu de Paume dans le cadre de la mémorable exposition Family Ties.

Des couleurs plus éclatantes que la palette d’un peintre, des contrastes saisissants, un tas d’objets en arrière-plan… Dans son travail, la photographe Tina Barney n’est pas du genre à jouer la carte du minimalisme. Des clichés chargés – d’humains, de mobilier, de sens – devenus la patte unique d'une artiste tout aussi singulière. Connue pour ses portraits en grand format et son appétence pour les thématiques relatives à la famille, à la transmission et aux traditions et rituels, l’Américaine a su marquer l’univers de la photographie par un style et une approche sans pareils de cet art. Appareil à la main, elle est celle qui a osé pénétrer les foyers de dizaines de ménages pour figer les histoires de famille et leur complexité sur papier glacé. Depuis le 28 septembre et jusqu’au 19 janvier 2025, Tina Barney est mise à l’honneur au Jeu de Paume dans le cadre de l’exposition Family Ties ("Liens de famille").


Family Commission with Snake (close-up), 2007,
© 2024, Tina Barney. Courtesy de l’artiste et Kasmin, New York


Une exposition quasi-immersive

Dans un salon, une salle de bain, une cuisine au moment du petit-déjeuner, à un mariage, une célébration de Noël, une fête de famille, durant les moments de deuil aussi, Tina Barney invite quiconque observe ses photos à rejoindre le moment et les personnalités mises en lumière. Entre la fin des années 1970 où elle photographie sa propre famille à New York ou en Nouvelle-Angleterre, et les années 1980 et 1990 où elle s’ouvre à un monde plus vaste que les milieux aisés de la côte est américaine, Tina Barney pénètre dans les profondeurs de l’intimité des familles, notamment issues de l’aristocratie et de la haute bourgeoisie européenne. 


Jill and Polly in the Bathroom, 1987
© 2024, Tina Barney. Courtesy de l’artiste et Kasmin, New York

Tantôt prises sur le vif, tantôt mises en scène, ses photographies sont le reflet d’un mélange entre rigueur et improvisation. « Sans doute les gens pensent-ils [que je consacre mon travail] à la haute société ou aux riches, ce qui me contrarie. […] Ces photographies traitent de la famille, de personnes de la même famille qui se côtoient d’ordinaire au sein de leur propre maison. […] Je ne sais pas si le public se rend compte que c’est de ma famille qu’il s’agit », confiait-elle au BOMB Magazine en 1995. D’une année à l’autre, Tina Barney rephotographie les mêmes familles, les mêmes événements. Les rituels et les traditions ont une place centrale dans son travail, permettant d’évoquer et de capturer l’idée de transmission de génération en génération.


De la représentation des familles à celle des modèles seuls 

Évoluant avec la même chronologie que celle qui s’est opérée dans le travail de la photographe au fil des années, l’exposition amène progressivement ses visiteurs vers cette volonté, à la fin des années 1990, de « mettre moins de monde dans [ses] images ». De photos où des générations entières se confondent sur tous les plans d’une seule prise de vue, la photographe laisse davantage place aux portraits plus rapprochés et toujours aussi colorés. 


Julianne Moore and Family, 1999,
© 2024, Tina Barney. Courtesy de l’artiste et Kasmin, New York

Un critère ne change cependant pas, un de ceux qu’elle ne laissera d’ailleurs jamais au hasard tout au long de sa carrière : la précision de ses images. À partir des années 1980, elle utilise une chambre photographique de 20 x 25 cm sur trépied et privilégie le format 120 x 150 cm pour ses clichés. Cette netteté et ce sens du détail qui marquent l'esprit à la première vision du travail de Barney continuent d'alimenter les plus récents de ses clichés, capturés entre 2015 et 2019. La raison est simple : « Je veux qu’il soit possible d’approcher l'image. Je veux que chaque objet soit aussi clair et précis que possible afin que le regardeur puisse réellement l’examiner et avoir la sensation d’entrer dans la pièce. » À travers ses clichés, Tina Barney souhaitait ouvrir les portes des différents foyers photographiés à celles et ceux qui les regarderaient, mais aussi permettre de « s'interroger sur soi-même ou sur l'histoire de sa vie ». Le pari est pleinement réussi.


The Limo, 2006 
© 2024, Tina Barney. Courtesy de l’artiste et Kasmin, New York

Tina Barney, Family Ties
Jeu de Paume
1, place de la Concorde – 1er
Jusqu'au 19 janvier 2025
Plus d'infos