Nombres de créateurs ont pour velléité de bousculer les codes. Parmi eux, Martin Margiela se place en haut du podium avec ses créations osées, voire déjantées, qui sortent des sentiers battus. Génie pour certains, d’autres ont pu voir en son audace un certain affront. Quoiqu’il en soit, Margiela ne laisse pas de marbre. A partir du 3 mars, le Palais Galliera retrace sa carrière de 1989 à 2009, la première rétrospective jamais consacrée au créateur belge.
A mi-chemin entre un chantier et une exposition, le parcours retrace de façon chronologique chaque collection de Martin Margiela du printemps-été 1989 au printemps-été 2009. Margiela se démarque par son approche conceptuelle du vêtement – avec ses échelles de l’habit poussé à l’extrême : oversize, vêtement de poupée adaptés à taille humaine ou encore sa création d'une nouvelle forme de chaussures inspirée des tabi traditionnelles japonaises – à l’orteil séparé… Cette rétrospective nous invite ainsi à découvrir l'évolution du créateur à travers une scénographie originale ponctuée d’anecdotes. Voici celles qui nous ont marqués.
Il est le précurseur de l’upcycling
Margiela créé sa « ligne artisanale » en 1990 où il réalise les vêtements à partir d'objets transformés. Sa collection printemps-été 1991 est ainsi constituée de vêtements entiers trouvés notamment aux Puces qui ont été triés, lavés, déteints ou surteints, démontés puis transformés en pièces uniques. « Quand je découpe un vêtement neuf ou ancien, je ne pense pas que je le détruis. C’est une façon de le faire renaître sous une autre forme », a expliqué Margiela face aux détracteurs de cette façon de travailler. C’est la première fois dans l’histoire de la mode qu’un créateur propose des pièces « neuves » complètement faites à partir de vêtements récupérés.
Le tabi japonais twisté à l'occidental
Margiela impose la bottine tabi dès son premier défilé, et qui habillera ses mannequins lors des défilés pendants de nombreuses saisons. Les tabis représentent une forme traditionnelle de chaussettes japonaises, avec cette particularité qu'elles séparent le gros orteil des autres orteils. En 1991, l'exposition "Le Monde selon ses créateurs" invite le belge à s'exposer aux côtés de créateurs tels de que Jean-Charles de Castelbajac, Jean Paul Gaultier ou encore Vivienne Westwood. Parmi ses installations, il pose trois paires de bottines tabi peintes en blanc sur un podium et encourage les visiteurs à les taguer avec des marqueurs. Elles seront réutilisées dans le défilé du P-E 1992.
Le pull chaussette, emblème de son amour pour le DIY
Le Do-It-Yourself est au cœur des créations de Martin Margiela. Réalisé à partir de huit paires de chaussettes américaines dénichées dans un surplus militaire, le pull chaussette en est une pièce emblématique. « Le placement des chaussettes sur le corps a été étudié pour que les talons correspondent aux parties rondes du buste : la poitrine, les coudes et les épaules, dont la carrure est au-dessus des épaules naturelles », apprend t-on au cours de l'exposition. L'idée ? « Inviter la femme à se sentir auteur d'un vêtement qu'elle pourrait réaliser elle-même ».
Il exploite à fond l'oversize
L'année 2000 se caractérise par une nouvelle période dans les créations de Margiela : son exploitation de l'oversize. Il agrandit pour la première fois toute une collection en taille XXXXL en modifiant de fond en comble la structure du vêtement. Cette collection contredit alors « d'une manière déconcertante la silhouette de son temps, mince et près du corps » souligne la presse de l'époque. Il poursuivra ce concept de l'agrandissement pendant cinq collections successives. Une fois de plus il prend le contrepied du système de la mode sans cesse en quête de renouvellement.
Depuis le printemps 1989, Margiela n’aura cessé de questionner la mode, le vêtement et son usage. Une imagination sans faille, une audace à toute épreuve, Margiela ne pourra que vous bousculer.
Exposition Margiela Galliera 1989/2009
Palais Galliera
10, Av. Pierre 1er de Serbie – 16e
Du 3 mars au 15 juillet 2018
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