Après avoir mis en lumière les liens artistiques forts entre Chana Orloff et Ossip Zadkine, c’est à une autre relation du sculpteur que s’intéresse cette fois-ci l’institution, celle qui l’unissait au peintre italien Amedeo Modigliani. À travers près de 90 œuvres exposées dans l’ancienne maison-atelier du statuaire, on parcourt les destins croisés de ces deux artistes à la palette commune.
Une amitié aussi forte qu’éphémère
En 1906, Modigliani quitte son Italie natale pour s’installer à Paris. 4 ans plus tard, Zadkine, de 4 ans son cadet, le rejoint dans la capitale. Au fil de relations communes tissées dans le contexte mouvementé et fécond du Montparnasse des années 1910, les deux artistes finissent par se rencontrer en 1913, alors que chacun d’entre eux porte à cet instant des rêves de sculpture très ancrés.
Pendant 2 ans, les deux artistes se côtoient, aussi bien dans les bars et les restaurants que dans les ateliers. Ensemble, ils partagent un amour pour les sculptures archaïques, un retour à l’essentiel plus proche des arts extra-occidentaux, souvent en rupture avec les œuvres proposées alors. Une relation forte, sur les plans artistique et amical, qui commence à s’effriter en 1915, alors que la Première Guerre mondiale fait rage, et qui prendra définitivement fin en 1920, à la mort de Modigliani, alors âgé de seulement 35 ans.
Pourtant, alors même qu’ils ne se parlent plus, les deux artistes continuent à avoir une influence l’un sur l’autre, par le biais de leur création. Ainsi, au fil des salles et des œuvres, il est souvent difficile d’attribuer les œuvres à l’un des deux. Sculptures, dessins et peintures se succèdent, pour mettre en évidence des aspirations et des inspirations communes, aussi bien dans les sujets que dans les techniques.
Des vies et des œuvres croisées
Au fil des salles, le musée revient sur les sujets de prédilection des deux artistes, présentant des dizaines d’œuvres en dialogue, pour mettre en évidence des souffles artistiques communs. Premier d’entre eux, qui s’étale de salle en salle au fil des époques : la femme. Que ce soit avant, pendant ou après leurs années communes, chacun des deux hommes attache à la figure féminine une valeur inestimable. Celle-ci se décline en courbes et en formes géométriques.
Chez Zadkine comme chez Modigliani, on retrouve au fil des créations des figures allongées, des traits fins, des formes évocatrices, suggérant parfois plus que ne montrant le visage ou le corps. L’un comme l’autre, ils cherchent à ouvrir le monde de l’art et plus particulièrement de la sculpture vers un idéal et un ordre nouveau. Et si, avant sa mort, Modigliani choisira de se consacrer à la peinture, Zadkine lui ne quittera jamais cette voie ouverte par son ami. En témoignent des œuvres qui, 10 ou 15 ans après, continuent de faire écho aux travaux de l’Italien.
L’un comme l’autre nous confrontent à un rapport très particulier au matériau brut. Blocs de granit et troncs d’arbres entiers, chacun se fournissait comme il le pouvait, pour laisser parler son imagination tout en évitant de trop dénaturer la matière naturelle. Un lien à la création qui témoigne d’un attachement à une forme d’art primitive, mais qui dresse également un pont entre sculpture et architecture, que nos deux artistes essaieront de franchir à de nombreuses reprises.
C’est donc une exposition complète et juste que nous propose l’institution, en revenant sur la vie de deux artistes majeurs du Paris des années 1910 et 1920. De leur groupe commun des Montparnos à leur éloignement, en passant par le mythe autour de la mort de Modigliani, le Musée Zadkine nous invite à découvrir des parcours croisés portés par un même amour de l’art et de la création.
Modigliani/Zadkine. Une amitié interrompue
Musée Zadkine
100 bis, rue d'Assas – 6e
Du 14 novembre 2024 au 30 mars 2025
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