Ni son nom, ni son visage ne sont connus dans le paysage politique français, et pourtant, Lucie Castets pourrait bien devenir Première ministre, devenant la troisième femme à obtenir le poste en France après Édith Cresson (1991-1992) et Élisabeth Borne (2022-2024). Exit Huguette Bello ou Laurence Tubiana : après deux semaines de déchirement, durant lesquelles on croyait le Nouveau Front populaire (NFP) au bord de la rupture, c’est finalement sur elle que les quatre partis membres (LFI, PS, Les Verts, PC) ont jeté leur dévolu.
En plein déni démocratique, il reste encore au NFP la lourde étape de faire pression sur un Emmanuel Macron plus borné que jamais. Hier soir, celui-ci écartait d'emblée la proposition à peine une heure après son annonce lors d’une intervention télévisée sur France 2, renvoyant à la « mi-août » au minimum la nomination d’un nouveau Premier ministre. On n’a toutefois pas fini d’entendre parler d’elle : qui est donc cette Lucie Castets ?
1. Un parcours universitaire et professionnel remarquable
Lorsque l’on étudie le parcours de Lucie Castets, on est d’abord marqué par son CV glorieux. Ancienne élève de Sciences Po (Master Affaires Publiques) et de la London School of Economics, elle est aussi diplômée de la promotion 2013 Jean Zay de l’ENA. L’année suivante, elle rejoint le ministère de l’Économie et des Finances à la Direction générale du Trésor. D’abord adjointe, elle est ensuite nommée cheffe du bureau des crédits-export et des garanties à l’international. Aujourd’hui, elle est directrice des finances et des achats de la Ville de Paris. Interrogé par l'AFP, la maire de Paris, Anne Hidalgo, évoque « une très bonne directrice des finances », qui gère un budget de 10 milliards d'euros « avec beaucoup de sérieux ».
Autre corde à son arc : elle est experte de la répression des fraudes et de la criminalité financière. Entre 2018 et 2020, elle travaille pour Tracfin, la cellule de renseignement financier de Bercy, qui lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la fraude aux finances publiques.
2. Elle a commencé à militer au Parti socialiste…
Lucies Castets a grandi à Caen, et c’est dans le Calvados qu'elle a commencé à militer au sein du Parti socialiste, de 2008 à 2011. La jeune femme a fait partie du think tank de centre-gauche Point d'ancrage dans les années 2010, et s’est inscrite sur la liste socialiste aux élections régionales de 2015, en position non éligible. Elle a également travaillé au sein du courant indépendant Besoin de gauche, piloté par Pierre Moscovici, ancien ministre socialiste de l'Economie et ancien commissaire européen aux Affaires économiques. Autre fait marquant : sa collaboration avec Manon Aubry (eurodéputée LFI) lorsque cette dernière consacrait son action à la lutte contre la fraude fiscale.
3. … mais déclare aujourd’hui n’avoir aucune affiliation politique
Malgré ce passé aux couleurs du PS, Lucie Castets se défend aujourd'hui de n'appartenir à aucun parti, d'être « hors du monde politique ». Elle se présente comme « une femme de gauche », une « citoyenne engagée », et met davantage en avant son profil « technique ». C’est peut-être la raison même pour laquelle elle a su faire consensus : Lucie Castets, qui insiste sur son « engagement sincère et actif dans le milieu associatif », est issue de la société civile.
4. Elle a fondé le collectif Nos services publics
Engagée dans le milieu associatif, oui, et particulièrement « dans le domaine de la défense des services publics », revendique-t-elle. Lucie Castets est co-fondatrice et porte-parole du collectif Nos services publics, un collectif résolument opposé à la politique du gouvernement sortant pour la fonction publique, qui lutte pour « retrouver le sens qui fonde le service public et ses missions au quotidien ». « C'est une personne très engagée sur l'école, l'hôpital, la justice sociale », souligne auprès de l'AFP Arnaud Bontemps, co-fondateur de Nos services publics.
5. Parmi ses priorités politiques : l’abrogation de la réforme des retraites
Attachée au service public, Lucie Castets est également mobilisée en faveur du « combat d'idées contre la retraite à 64 ans », indique le communiqué publié par le Nouveau Front populaire. Interrogée par l'AFP, elle fait de l'« abrogation de la réforme des retraites » l'une de ses priorités. Elle milite également pour une « grande réforme fiscale pour que chacun, individus et multinationales, paie sa juste part », une « amélioration du pouvoir d'achat » par la revalorisation des salaires, le relèvement des minimas sociaux, ainsi que la « fin de la régression des services publics ». Le même jour que celui de sa désignation par le NFP, d’ailleurs, les députés de La France Insoumise déposaient à l’Assemblée une « proposition de loi visant à abolir la retraite à 64 ans ».
Le chemin reste encore long jusqu’à Matignon, toutefois, Lucie Castets a annoncé dès mardi soir qu’elle acceptait « en toute humilité, mais avec beaucoup de conviction » la proposition du Nouveau Front populaire. Écartée d’emblée par Emmanuel Macron, l’économiste n’en démord pas et demandait au président de la République, ce mercredi 24 juillet au matin, de la nommer Première ministre, tout en jugeant qu’une coalition entre la gauche et le camp présidentiel était « impossible ».