Police a été l’un des plus grands succès de Maurice Pialat. Ses deux millions d’entrées ne parviendront toutefois pas à faire oublier à Sophie Marceau les conditions catastrophiques dans lesquelles elle a tourné, malgré son expérience déjà significative sur les plateaux de cinéma. Le loup, et pas des moindres : Gérard Depardieu, qui incarne son intérêt amoureux dans le film. Elle joue Noria, une jeune femme liée à la délinquance qui tombe amoureuse d'un policier brutal et misogyne, Mangin. À croire que Depardieu n’a pas été choisi par hasard, et prête un peu trop bien ses traits à son personnage.
40 ans plus tard, Sophie Marceau accepte de raconter au Monde l'humiliation, les attouchements et la violence perpétués par l’acteur français, alors que les journalistes du quotidien consacrent une enquête de six épisodes aux accusations d’agressions sexuelles qui pèsent contre lui.
Une « relation de pouvoir » instaurée par Depardieu
Elle avait 18 ans, il en avait 37. Dès le début, il aurait instauré une « relation de pouvoir » avec la comédienne, multipliant notamment les humiliations à son égard. L’actrice donne des exemples marquants : manger un escargot avant le tournage d’une scène intime afin de gêner par sa mauvaise haleine ; lors de ces mêmes scènes, lui imposer ses mains baladeuses « insistantes, omniprésentes, inutiles et invisibles à la caméra ». Le tout à l’abri des regards de l’équipe, sinon « il aurait reçu mon poing dans la gueule », explique Sophie Marceau.
De toute façon, quand l’équipe perçoit les agissements déplacés de Depardieu, sur l’actrice comme sur d’autres femmes, notamment les habilleuses, elle préfère en rire. Maurice Pialat en est particulièrement friand, lorsqu’il ne participe pas lui-même au harcèlement. Un jour, ce dernier demandera à Depardieu de gifler réellement Sophie Marceau durant une scène d’interrogatoire, allant jusqu’à faire éclater en sanglots l’actrice.
Un milieu au courant, au mieux aveuglé, au pire complaisant
Plus inquiétant encore : l’inaction des médias lors de la promotion du film. En 1985, Sophie Marceau avait dénoncé ces agissements, et personne ne l’avait écoutée. Pire, Maurice Pialat avait dit d’elle que c’était « la personne la plus détestable que j’ai rencontrée depuis que je fais du cinéma ». En 2015, elle réitérait ses propos dans les colonnes de Society et évoquait son horrible tournage aux côtés de Depardieu, le qualifiant de « prédateur […] qui bouffe tout et tout le monde ». 40 ans après le tournage du film, l’acteur est accusé d’agressions sexuelles par 15 femmes différentes.