Mercredi 31 juillet, les épreuves de triathlon ont finalement eu lieu. Sur la ligne de départ, située sous le pont Alexandre III, les femmes, à 8 heures, puis les hommes, à 10h45, ont sauté dans le fleuve, après le feu vert des organisateurs consécutif à des analyses d'eau jugées conformes. Ce n’était pas gagné : certains parlaient d’un énième report, d’autres d’un triathlon muté en duathlon, et pourtant, défi relevé pour la Ville de Paris, qui a investi 1,4 milliard pour la dépollution et la baignabilité de la Seine et de la Marne. Toutefois, une journée après le grand saut, l’humeur n’est pas forcément au soulagement du côté des nageur·euses.
Suspens jusqu’au mercredi matin
Il faut dire que jusqu’à la dernière minute (et presque sans extrapolation), le sort des 110 triathlètes qualifié·es pour concourir restait incertain. Sans plan B prévu par les organisateurs, la Seine restait la seule option pour maintenir l’épreuve en trois étapes et passer par la case nage, or, l’eau de celle-ci était souillée. La faute à un week-end très pluvieux, et plus d’une dizaine de millimètres tombés sur Paris en une journée. Il a alors fallu prendre des précautions, annuler un entraînement dimanche, puis un second lundi, poursuivre les analyses et espérer que sa qualité s’améliore.
Victoire : mercredi, à la surprise générale, les athlètes sont autorisé·es à plonger. Avec d’heureux résultats : première Française à s’imposer dans sa discipline, Cassandre Beaugrand prend sa revanche sur Tokyo et réalise une victoire historique. Seconde médaille, cette fois de bronze, chez les hommes, avec la belle performance de Léo Bergère. Après l’effort, l’heure est désormais au bilan, sur la performance mais aussi, chez certain·es, sur un lieu jugé inadapté à une telle pratique.
« J’ai vu des choses auxquelles on ne devrait pas penser »
Qualité de l’eau, organisation, erreurs de course… Nombreux ont été les éléments à faire l'objet de dénonciations de la part des athlètes. L’Espagnole Miriam Casillas a pointé du doigt les risques pris avec la santé des nageurs. « Ils n'ont pas du tout pensé aux athlètes », dénonce-t-elle dans Marca. « Ici, ils ont pensé davantage à la scène, à l'image, à la rendre belle et à la vendre dans la Seine, c’était en gros "je veux les Jeux de Paris depuis l'inauguration et rien n'a été pensé pour la santé des athlètes". Si on avait pensé à la santé des athlètes, cela n'aurait pas été fait ici et il y aurait eu un véritable plan B ».
Elle aussi en colère, la triathlète belge Jolien Vermeylen, qui n’a pas savouré son contact avec l’eau de la Seine. « J’ai bu beaucoup d’eau, donc on saura demain si je suis malade ou pas », a-t-elle confié à la chaîne VTM. « Ça n’a pas le goût du coca-cola ou du sprite, évidemment. En nageant sous le pont, j’ai senti et vu des choses auxquelles on ne devrait pas trop penser. La Seine est sale depuis cent ans, alors ils ne peuvent pas dire que la sécurité des athlètes est une priorité. C’est des conneries. » On se demande bien la nature des « choses » qu’elle aurait touché.
Les fines bouches, et les autres ?
D’autres se sont montrées plus positives. Flora Duffy, légende du triathlon, médaille d'or à Tokyo, a l’air d’avoir apprécié sa trempette. « L’eau était bonne. Il y avait juste du courant. Je suis contente que cette course a eu lieu, je n’avais juste pas les jambes aujourd’hui pour faire plus après », synthétise-t-elle à 20 minutes. Pour la nouvelle championne olympique qui lui succède, Cassandre Beaugrand, la nage n’avait rien de particulier : « J’avais déjà fait des tests dedans il y a un an, et puis, on a déjà nagé dans bien pire que ça ».
Si les expériences divergent selon les interrogé·es, aucun malade n’a pour l'instant été recensé. La qualité de l’eau n’était pourtant pas optimale : le jour de la course, le Comité d'organisation n’a pas publié les résultats des nouvelles analyses effectuées dans la Seine la veille, indiquant néanmoins qu’ils étaient suffisants. La start-up française Fluidion, spécialisée dans la mesure de la qualité de l’eau, a donc pris le relai : selon ses analyses, la pollution a certes été divisée par deux entre lundi et mardi, mais était « tout juste passable » mercredi d'après le règlement de World Triathlon, qui indique le taux de bactéries à ne pas dépasser. L'épreuve n'était donc pas loin du naufrage.