Forcément attendu après la claque "Mommy" il y a 2 ans, le nouveau film de Xavier Dolan a enflammé la croisette. Après avoir gagné le Prix du Jury à Cannes en 2014 avec Mommy, Xavier Dolan, à seulement 27 ans, vient de remporter le Grand Prix à Cannes pour son dernier film "Juste la fin du monde". On vous laisse (re)découvrir la critique signée Pierig Leray à l'issue de la projection cannoise il y a quelques jours.
Les queues pour les projetions presse sont interminables et c’est lors d’une séance supplémentaire spéciale que je découvre "Juste la fin du monde". Ma peur réside dans la prétention de son réalisateur, vouloir faire un grand film, montrer qu’il est un grand metteur en scène, faire taire la critique jalouse et s’afficher enfin comme un prétendant à la Palme d’or. Par justesse, Xavier Dolan a décidé de faire autrement et de s’isoler dans un repas de famille pour nous parler d’amour.
Le personnage de Gaspard Ulliel est un acteur de théâtre reconnu, vivant loin de sa famille. Il décide de rentrer au bercail, où un repas de retrouvailles l’attend, avec sa mère jouée par Nathalie Baye - par ailleurs formidable, son frère joué par Cassel et sa femme Cotillard, ainsi que sa petite sœur Léa Seydoux.
Le casting pique un peu la gorge, mais l’harmonie et la force rhétorique des dialogues emportent le film et l’amènent au-dessus de la masse. Mais il n’en reste pas moins que "Juste la fin du monde", huis clos théâtral brillant au départ, est un film sans prétention, intimiste et qui s’équilibre par la maîtrise du mot de Dolan. On le connaissait terriblement puissant et efficace à nous transmettre une émotion, on ne le connaissait pas aussi puissant dialoguiste.
Maintenant, on peut également se révolter de la simplicité d’apparence d’un film plus qu’attendu, sans doute trop court, malmené par la comparaison avec "Mommy" même s'il serait idiot de tenter un rapprochement. Car le désir de Dolan est opposé. Avec "Mommy" il tentait de nous atteindre par les déboires d’une génération paumée, ici il délie les relations obscures, parfois incestueuses, la plupart du temps malsaines, d’une famille ordinaire, perdue et sur le fil.
Si l’on doit citer une scène en exemple, c’est la violence des propos de Vincent Cassel envers sa famille, due à une fragilité profonde qui s’expose brutalement en fin de film avec des pleurs prononcés et une voix qui tremble. Cette scène est symptomatique du travail de Dolan, souvent trop nerveux (comme ses ralentis et ses choix musicaux des années 90 qui alourdissent le film), bien trop volubile, mais la chair à nu et d’une sensibilité sans égal.
Juste la fin du monde de Xavier Dolan Sortie le 21 septembre 2016
Texte : Pierig Leray