Le Bonbon

Moonlight : un Oscar du meilleur film bien mérité

Ça faisait trois semaines que je voulais aller le voir, et j'ai un peu honte de reconnaître qu'il aura fallu que le film soit récompensé aux Oscars pour que je me pointe finalement au ciné en disant : « une place pour Moonlight s'il vous plaît ». A la guichetière qui me demanda si j'y allais pour l'Oscar, je répondis donc, plein d'une foi ni vraiment bonne, ni vraiment mauvaise : « non, non, j'y pensais depuis longtemps ». Ce qui est sûr, c'est que maintenant j'y pense encore.


Malgré un ultime rebondissement très discuté sur Internet, c'est bien Moonlight qui a obtenu le prestigieux Oscar du meilleur film. Une récompense amplement méritée, même si La La Land est très réussi. Juste pour vous donner une petite idée, le budget de La La Land, c'est 30 millions de dolls, celui de Moonlight, c'est 1,5 millions. Voilà.

Deuxième long métrage de Barry Jenkins, celui-ci a adapté le scénario d'une pièce de théâtre de Tarell Alvin McCraney. Tous deux ont grandi dans le même quartier sensible de la banlieue de Miami, ont été élevés par une mère toxico et ont fréquenté la même école, sans toutefois se connaître. Leur rencontre fut donc cruciale pour la tenue du projet et la composition du personnage principal, Chiron. Le film se divise en trois parties bien distinctes, qui correspondent à trois périodes de la vie du jeune garçon. L'enfance, où il est surnommé "Little" par ses camarades de classe ; l'adolescence, où il devient Chiron, et enfin l'âge adulte, où on l'appelle "Black". Solitaire et mutique, son seul soutien s'appelle Kevin, un personnage ambigu qui se prend d'amitié pour lui quand tous les autres le rejettent. Bien sûr ils vont se pécho.

Moonlight, c'est une histoire de mélanges et de références. Au niveau thématique déjà, c'est un mix entre Le Secret de Brokeback Mountain et Boyz N the Hood : un gamin des quartiers noirs qui trouve un père de substitution dans le dealeur de sa mère toxico tombe amoureux malgré lui de son seul ami. Au niveau esthétique ensuite : la caméra suit les personnages à hauteur d'épaules, dans les rues grillagées de Liberty City, sur un terrain vague ou au bord de l'océan ; c'est GTA Vice City qui rencontre Terrence Malick, sur un thème musical au violon. Moonlight, c'est donc un mariage audacieux entre la violence et la délicatesse, entre la dureté et la sensibilité, interprêté par des acteurs inconnus mais géniaux et mis en scène par un Noir probablement gay dont c'est le second film. 

Le film de Barry Jenkins est une petite révolution, tant dans le monde étriqué du cinéma que pour la société américaine. Qui avant lui avait osé traiter de la question de l'homosexualité dans la banlieue noire américaine, et avec autant de talent ? Tout cinéaste vit aux dépens de ceux qui regardent ses films, quoi que cela lui en coûte. Cette leçon valait bien un Oscar, sans doute. 


Moonlight, de Barry Jenkins

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