Considérée comme une pionnière du journalisme d’investigation et d’immersion, Nellie Bly (1864-1922) s’est illustrée dans la presse américaine pour ses reportages fougueux et son intrépidité sans bornes. Les éditions Points les ont rassemblés pour la première fois dans un recueil. On l’a lu, et on ne peut que vous recommander de faire de même.
On aurait presque peur d’être déçu.e à la lecture de la quatrième de couverture. Tous les mots sont là pour faire battre la chamade à notre palpitant : "journaliste", "féministe", "icône", "indépendante", "tour du monde". C’est frénétiquement que l’on parcourt les textes d'Elizabeth Jane Cochrane aka Nellie Bly, jeune femme qui aurait planté les graines du journalisme gonzo, ce genre journalistique caractérisé par l'immersion du reporter dans son sujet. Albert Londres, Joseph Kessel, poussez-vous donc un peu et faites place à cette femme intrépide dont les aventures ont été regroupées en un seul volume après plus de cent ans d'obscurité en France.
Pour la petite histoire, Cochrane est devenue journaliste, comme plusieurs de ses confrères, non pas par la petite porte mais en explosant la grande d'un coup de pied. En 1880, elle a 16 ans et fuit un destin tout tracé de gouvernante. Furax après la lecture d'une rubrique sexiste intulée "Ce à quoi sont bonnes les jeunes filles" dans le Pittsburgh Dispatch, elle envoie une missive enflammée au rédacteur en chef pour se faire entendre. Elle négocie une embauche en échange d'un article de son choix. Résultat, ledit rédacteur en chef est emballé, elle lui écrit un papier sur la famille, le divorce et les enfants. Sa carrière est lancée.
Feuilletage éclair
Dix jours dans un asile
Dans cet article glaçant de sang-froid et de cruauté, Nellie Bly se fait passer pour folle et interner au Blackwell’s Island Hospital, une maison de fous située sur une île au large de New York. Elle décrira la faim, le froid, la violence et la peur ressenties par des femmes qui ont pour la plupart toute leur tête. Trop vieilles, trop pauvres, elles ont été abandonnées par familles et maris et ont trouvé "refuge" entre les murs froids de l’asile. Suite à la publication de cet article, la ville de New York alloua un million de dollars supplémentaires aux asiles psychiatriques et une réforme de ces établissements fut lancée.
Le tour du monde en 72 jours
Dans "Le tour du monde en 72 jours", elle embarque à 25 ans seulement dans un tour du monde en circumnavigation pour défier le personnage fictif de Jules Verne, l'écrivain étant particulièrement enthousiaste et fervent soutien dans ce projet. Le récit est truffé d’anecdotes et de rencontres coquaces ainsi que de souvenirs de l'époque coloniale qui nous font aujourd'hui grincer des dents. Des rêveries en train et en bateau à ses visites toujours pleines de bon sens et d'humour, la journaliste nous emmène facilement avec elle et démontre avec brio sa facilité à se faire des potes un peu partout.
Six mois au Mexique
Les lecteurs friands de longues descriptions s'émerveilleront devant les beautés du Mexique dépeintes par Nellie Bly, partie en voyage avec sa mère. De notre côté, on a parfois trouvé le temps long entre les longs paysages et l'intrigue moins trépidante qu'au cours de son tour du monde. On s'est en revanche passionné pour les us et coutumes des Indiens et des Mexicains. Au programme : cow-boys, loterie et corrida.
On vous laisse ici sans vous avoir détaillé l'intégralité des écrits présents, pour vous laisser découvrir "Nellie Bly sur le champ de bataille", un article qui retrace les aventures de la journaliste lorsqu’elle décide, à l’aube du premier conflit mondial, à l'âge à 50 ans, de partir pour l’Europe sur les fronts. "Dans la peau d'une domestique" et "Nellie Bly, esclave moderne" témoignent quant à eux de son engagement pour la classe ouvrière. Lorsque la journaliste s'éteint en 1922, à l'âge de 57 ans, la presse pleure "la meilleure journaliste d'Amérique".
Les fabuleuses aventures de Nellie Bly
Editions Points - 8,90 €