55. C’est le nombre de jours que les Français ont dû passer en confinement, pour celles et ceux n’exerçant pas une activité jugée “utile à la nation”. Et forcément, le fait de bouleverser ses habitudes pendant deux mois engendre de nouveaux comportements. Que l’on soit confiné à la campagne ou à la ville, notre mode de vie a changé pour nous rendre plus casaniers...Parfois jusqu’à en avoir peur de sortir.
“Syndrome de la cabane”
Sortie du confinement le 2 mai dernier, l’Espagne a pu observer plusieurs phénomènes d’angoisses liées au déconfinement, regroupées par le quotidien El Païs sous le “syndrome de la cabane”, chez des personnes ne souhaitant pas sortir de chez elles. Anxiété, fatigue et tristesse en sont les symptômes les plus communs. La métaphore de la cabane remonte au début du 19e siècle, aux Etats-Unis auprès des chercheurs d’or, qui présentent cet état émotionnel après avoir passé plusieurs mois dans leurs cabanes, angoissés à l’idée de revenir à la civilisation. Ce phénomène a aussi été observé chez des gardiens de phare.
Suite à la propagation du coronavirus, l’angoisse est d’autant plus importante qu’elle est couplée avec une peur d’attraper le virus. C’est notamment le cas de Clara, Parisienne de 25 ans : “J'ai deux types d'angoisse qui se mélangent et j'ai parfois du mal à les différencier l'une de l'autre. La première c'est la peur de choper le virus (même si je pense l'avoir déjà eu), que les gens que j'aime chopent le virus et, pire encore, j’ai peur de perdre un proche. Le fait de savoir qu'on n'est pas déconfinés pour les bonnes raisons, par simples raisons politiques et économiques et pas du tout sanitaires, ça me donne à penser que si on mettait la santé au premier plan on ne ferait pas le déconfinement tout de suite. Et donc il est trop tôt pour ressortir et se re mélanger aux autres. J'angoisse tellement que j'en viens à en vouloir à mort à mon mec qui, lui, recommence à voir quelques personnes alors qu'on est confinés ensemble, ça me met hors de moi. La seconde angoisse, beaucoup plus profonde, beaucoup plus difficile à exprimer et à poser des mots dessus, c'est la peur de voir des autres mais pas pour raisons sanitaires. On a des amis qui sont 2, ils sont confinés ensemble depuis 2 mois comme nous et n'ont vu personne. Hier soir ils nous ont proposé de passer prendre l'apéro chez eux à 800 mètres de chez nous, donc vraiment rien de craignos puisqu'on est tous les 4 clean et qu'on respecte les gestes barrière, mais j'ai refusé. Je m'en sens pas capable, j'ai l'impression d'avoir perdu tout sens de sociabilité, je suis tellement devenue une ermite pendant ce confinement, presque comme retournée à l'état sauvage, qu'il est difficile de m'imaginer entourée, à discuter, avec d'autres gens. Ce n'est presque plus "normal".
Selon un sondage YouGov réalisé pour le magazine "Society", 29 % des Français disent préférer rester confinés encore un moment. Et en particulier les plus jeunes : 38 % des 18-24 ans souhaitent rester chez eux, contre 18 % des 45-54 ans. En cause, pour les deux tiers (67 %) de ces confinés qui souhaitent prolonger le confinement, c’est la peur du virus qui les incite à ne pas sortir. Pour un quart, c’est tout simplement par plaisir.
Une anxiété liée à la peur de contracter le virus, de contaminer ses proches mais aussi l’appréhension de la pression sociale et la peur du retour au travail : “Le confinement est source d’une certaine violence, explique Jean-Christophe Seznec, psychiatre et auteur de Débranchez votre mental, trucs et astuces pour ne plus ressasser et profiter de la vie, aux éditions Leduc. Les êtres humains sont des animaux grégaires, et s’adonnent à ce qu’on appelle le “toilettage social”, des pratiques comme la bise ou le serrage de mains. Il y a des gens qui sont fragiles de cette perte de contact physique et social, il y a une inquiétude des distances, en même temps qu’une envie de se protéger, mais en même temps, dans les cultures latines, c’est compliqué d’avancer en permanence avec ce “frein à main social”.”
Un risque de burn out post-confinement ?
“ Il y a une hétérogénéité dans les approches du déconfinement, poursuit le psychiatre, qui reçoit en consultation beaucoup de patients souffrant de cette anxiété, et qui préfèrent faire en sorte de rester le plus longtemps chez eux, en obtenant des autorisations de télétravailler par exemple . J’ai des patients qui se sentent en insécurité, car c’est compliqué de trouver compromis social. Surtout quand c’est difficile de savoir ce qu’il va advenir. Pour certains le confinement a été horrible, pour d’autres ça a été l’occasion de se mettre en retraite, de prendre du temps… Une sorte de sevrage de l’hyperactivité de la vie.”
Un confinement brutal, qui a bouleversé les habitudes de chacun.e, et un déconfinement qui l’est tout autant, sachant que certaines questions restent sans réponse. “L’être humain n’aime pas les changements : il va falloir se réadapter, c’est encore plus coûteux à court terme de retrouver des repères, alors que ce n’est pas comme avant. Il va falloir réinventer quelque chose mais tout le monde n’a pas la force morale de le faire, il y a une sorte de page blanche qui n’est pas évidente à travailler. Il y a aussi l’impermanence de la vie, l’angoisse de la mort...Des questions à laquelle ils n’ont pas forcément de réponse”, analyse le docteur Seznec.
Le déconfinement est également associé à un paradoxe, qui est de pouvoir sortir mais pour quoi faire ? Les parcs, bars et restaurants restent fermés pour le moment, et le virus n’a pas été éradiqué, explique le docteur Seznec : “Le futur est incertain, dépendra des annonces du gouvernement. On fait face à beaucoup d’incertitudes. Le seul intérêt du confinement c’est de limiter embouteillage dans les hôpitaux, mais on n’a toujours pas résolu le problème.”
Le travail est aussi une source importante d’angoisse, notamment pour Clara “Il y a aussi l'idée de devoir reprendre son ancien rythme, quitter ce cocon de sécurité et de bien-être, cette petite bulle de bonheur et de sérénité qu'on a passé tant de temps à se construire, pour retrouver le bureau, le métro, la course effrénée pour ne pas arriver en retard ou pour ne pas rater le métro, tout de suite ça parait vachement plus hostile.” Pour celles et ceux qui sont restés confinés dans un environnement calme et confortable, le retour à la réalité paraît brutal. Pour ceux qui ont accumulé vie de famille et vie professionnelle, le risque est double. Le docteur Seznec explique que pour ses patients angoissés par le déconfinement, “il va falloir se remettre dans une vie pas forcément confortable, certains ont beaucoup télétravaillé, ont enchaîné, ont eu peu de temps de repos, finalement beaucoup de gens sont épuisés du confinement et se retrouvent face à des entreprises pressées de retrouver le rythme d’avant. Je pense qu’il va y avoir des burn out post confinements. Non seulement on travaille mais on se fait à manger, on s’occupe des enfants, les marqueurs de temps sont moins présents. Pour certaines personnes ça a été épuisant. Et de repartir dans un travail avec un futur incertain, ça engendre une perte de sens. Certaines entreprises n’ont pas encore pris la mesure que le monde qui arrive ne sera pas le même que le monde d’avant, c’est dur de se réinventer.”
Accepter le risque et se faire confiance
Pour pallier à ces angoisses, le psychiatre livre plusieurs conseils. En tête, celui d’accepter le risque : “le risque zéro n’existe pas, ça ne nous empêchait pas autrefois de sortir : si on fait attention aux gestes barrières, on a les moyens de diminuer largement le risque.” Par ailleurs, il faut apprendre à se faire confiance, et faire confiance à “notre capacité créative” : “qu’est-ce qu’on peut faire pour cette opportunité de vie ?” invite-t-il à s’interroger. Pour calmer le stress, le docteur Seznec conseille de “bien rester dans l’instant présent, ne pas ressasser le passé, ni être anxieux dans le futur. Demain est un jour nouveau, il ne faut pas écouter tout ce que nous raconte notre tête, on produit des pensées comme on produit de la salive et des urines, nous ne sommes pas nos pensées. Il faut apprendre à être continent de ses pensées comme on tire la chasse d’eau.” Le psychiatre souligne l’importance du contact humain, car les gestes barrières sont synonymes de distanciation physique mais pas de distanciation sociale. Enfin, on peut faire pencher notre “balance émotionnelle” vers le côté positif, qui passe par tout ce qui touche le corps : “méditer, aller chez le coiffeur, prendre soin de soin, se brosser les cheveux ou faire du sport sont des activités qui ont un rôle anxiolytique, antidépresseur et remet le corps en mouvement.”
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