Le Bonbon

150 ans de la Commune de Paris : l'histoire de cette révolution historique

Salut les intellos anarcho-gauchiasses, aujourd’hui on s’intéresse à la Commune de 1871, un événement fondateur de l’histoire de France et de Paris qui fête ses 150 ans cette année. Révolution historique de 72 jours pendant lesquels le gouvernement a plié sous le pouvoir du peuple, la Commune excite encore les imaginaires un siècle et demi plus tard.

Pour celles et ceux du fond qui auraient somnolé pendant les cours d’histoire de France du 19e siècle, session rattrapage rapide.

 
Une épopée parisienne

Depuis le début du siècle, les Français.es vivent sous des régimes plus autoritaires les uns que les autres, entre le Premier Empire, la Restauration, la Monarchie de Juillet puis le Second Empire. Nous sommes sous Louis-Napoléon Bonaparte, devenu Napoléon III, qui trouvait qu’être empereur était beaucoup plus fun que président de la République – il en fait son affaire après un coup d'État en 1851. Le Second Empire ne fera cependant pas long feu puisque Napoléon décide de lancer en 1870 une guerre mal préparée face à la Prusse, un empire allemand. Guerre qui finira en eau de boudin pour nous, puisque Napoléon capitulera et sera fait prisonnier. Bien ouej. Le 4 septembre 1870, la Troisième République est proclamée avec à sa tête Adolphe Thiers. On est là face à un raccourci très grossier, mais c’est pour vous faire un tableau un peu large, voyez.

Si la république est proclamée, tout ira bien ? Détrompez-vous jeunes naïfs, suite à la guerre contre la Prusse, Paris est assiégée et connaît une grave famine au cours de l’hiver 1870-1871. Et comme d’hab, quand il s’agit des famines, ceux qui trinquent en premier ce sont les ouvriers, les artisans et tous ceux qui faisaient déjà travailler leurs enfants et trimaient plus de dix heures par jour pour un salaire bien loin du coût réel de la vie. Le baron Haussmann soulignait notamment que la moitié des Parisiens vivaient dans une “pauvreté voisine de l’indigence”, qui les menait parfois à manger des rats et les animaux exotiques du Jardin des Plantes.

La moutarde commence à monter au nez des Français.es qui apprennent que l'Empire allemand a été proclamé dans la Galerie des Glaces du château de Versailles le 18 janvier 1871. Beaucoup d’entre eux s’enrôlent dans la Garde Nationale, autrefois surtout composée de bourgeois. De son côté, le gouvernement n’en fait qu’à sa tête, élisant des bonapartistes aux hauts postes de fonctionnaires et interdisant en mars les principaux journaux d’extrême-gauche. Le 10 mars, l’Assemblée transfère son siège à Versailles, flairant les embrouilles. Vous les voyez arriver, vous aussi ?

 

Casting cinq étoiles pour démocratie radicale

Le 18 mars, Paris, affaiblie et affamée, se soulève et refuse cette IIIe République à peine débutée, mais déjà ratée, dissolvant « l’État et le capital » comme le décrira l’essayiste américaine Kristin Ross. Ce qui a mis le feu aux poudres, ce sont – entre autres – des canons de la Garde Nationale (peuplée, vous vous rappelez, par de plus en plus de "prolétaires") que le gouvernement veut récupérer la veille sur la butte Montmartre. Sauf que les Parisiens considèrent qu’ils sont à eux, puisqu’ils les ont payés par souscription pendant la guerre de Prusse, et possèdent 500 000 fusils par ailleurs donc faut pas trop les chauffer non plus. Le gouvernement veut récupérer l’artillerie, craignant l’émeute. La population et la Garde Nationale se rassemblent, le général Lecomte ordonne de faire feu, mais les soldats refusent d’obtempérer, rejoignant l’insurrection. Tout Montmartre est bouclé, dont les boulevards de Clichy et Rochechouart, la place Pigalle et celle des Martyrs idem. Total, le général sera capturé par les insurgés et tabassé à mort par la foule le lendemain. Ça, c’est l’évènement déclencheur sur fond de problèmes de pauvreté, des transformations haussmanniennes de la ville qui forcent le repli des classes ouvrières à l’est de Paris et la spéculation immobilière. Les ouvriers, artisans et professions libérales se soulèvent contre le gouvernement.

Une semaine plus tard, des élections municipales un peu spéciales sont organisées. Les Parisiens vont s'auto-représenter de manière démocratique et directe – droit au but si l’on peut se permettre un anachronisme phocéen. Concrètement, ça passe par l’élection d’une assemblée communale le 26 mars, dans une élection démocratique et représentative remportée largement par les partisans de la commune. Le 27 mars, 200 000 Parisien.ne.s proclament la Commune aux côtés des 90 élus, hissant le drapeau rouge. Dès lors, c’est une démocratie radicale qui s’installe au niveau de chaque arrondissement, qui s’articule entre la gestion de l’arrondissement et de celle de la Commune de Paris. Plus d’armée permanente, seule la Garde Nationale – dont les cadres sont élus – assure le maintien de l’ordre. Dans les quartiers les mieux organisés, le 11e, le 17e et le 18e, les habitants participent à des clubs où chacun peut s'exprimer et donner ses idées.

Parmi les personnalités qui s'inscriront dans l'Histoire, on trouve notamment Louise Michel, institutrice féministe et militante anarchiste. Elle est membre du comité de vigilance de Montmartre, une association politique du 18e arrondissement qui participe à l'organisation sociale du quartier et joue un rôle important dans la défense des canons de la Butte Montmartre. Elle fait partie de l'aile révolutionnaire la plus radicale, du 61e bataillon de marche de Montmartre et sert comme ambulancière. 


Louise Michel en uniforme de fédéré

Des avancées civiques entravées par la guerre civile

C’est à ce moment-là qu’est instaurée l’école laïque obligatoire et gratuite, la liberté d’association, la suspension des loyers ou le droit au travail pour les femmes. Les étrangers deviennent citoyens et obtiennent pour certains des postes à responsabilités, l’Union des femmes accueille les lieux de démocratie directe où s’élaborent les décisions – même si seuls les hommes sont élus délégués. L’égalité de salaire est décrétée entre les instituteurs et institutrices. Les logements vacants sont réquisitionnés et les ateliers, abandonnés par les patrons qui ont fui Paris, confiés aux ouvriers. Plusieurs titres de presse apparaissent, les esprits bouillonnent et la créativité est à son paroxysme. 

Spoiler : ça ne va pas durer. Toute cette émulsion citoyenne et pacifiste si l'on peut dire est perturbée par les premières attaques des Versaillais, armée menée par Adolphe Thiers, dès le 2 avril aux portes de Paris. Vous pensez que le gouvernement allait se faire chaparder la ville comme ça, sans rien dire ? C’est ce qui va entraver une grande partie des actions de la Commune, qui doit régulièrement se défendre contre les attaques des Versaillais. Donc entre Communards et Versaillais, ça se met sur la tronche à tel point qu'une guerre civile s'enclenche. 

On le sait, tous les édifices parisiens ne sont pas synonymes de gloire. En témoignent les statues d’esclavagistes encore en place dans la capitale. Les Communards détruisent la colonne de la place Vendôme, symbole napoléonien par excellence. La décision de son abolition est prise le 12 avril, la Commune décrète que cette colonne, symbole de la guerre napoléonienne, doit être déboulonnée. 

Le 21 mai, les Versaillais entrent dans Paris, dont les quartiers fourmillent de barricades. Plusieurs monuments sont incendiés par les Communards dont le palais des Tuileries, l'Hôtel de Ville ou la préfecture de Police autour du 23 mai. Résultat, la révolte est violemment réprimée, si violemment qu'on baptisera cette période la semaine sanglante, durant laquelle plus de 10 000 personnes seront massacrées par les Versaillais. La Commune de Paris s'achève le 29 mai avec la capitulation du fort de Vincennes, dernier bastion communard qui tombe aux mains des Versaillais. 

Dernière anecdote pour la route : saviez-vous que les raisons de la construction du Sacré-Cœur divisent, entre un symbole religieux créé pour "expier" les actes des Communards (qui, on le rappelle, sont de fervents militants anticléricaux) et un autre symbole érigé pour expier la défaite de Sedan (la bataille qui a mené à la capitulation de Napoléon) et la confiscation des États du pape ? On note aussi que le square qui se trouve en face est baptisé... Louise Michel, un nom qu'on lui donnera en 2004.

Au total, la Commune, une période de 72 jours de démocratie directe, aura autant rassemblé que divisé les Français dans une période qui, 150 ans après, fait encore rêver la gauche, tant les avancées sociales auront été importantes.

Voilà, c'était un résumé très grossier de la Commune de Paris qui suffira pour quelques phrases un peu savantes autour d'un comptoir de bar (celui de votre cuisine fera l'affaire). Pour aller plus loin, on vous conseille les ouvrages La Commune de Paris. 1871. Les acteurs, l’événement, les lieux, coordonné par Michel Cordillot et paru chez L’Atelier, et La commune au présent de Ludivine Bantigny aux éditions La Découverte. Sinon, France Culture a aussi produit une très bonne série documentaire en quatre épisodes sur le sujet via son programme LSD à écouter juste ici.