Le Bonbon

Pansexualité, ou la manière d'aimer une personne sans considération pour son genre ou son sexe

Nous sommes tombés sur le terme "pansexuel" au détour d’un article. Paf, nos yeux ont trébuché dessus, se sont heurtés à ces étranges syllabes sans comprendre. Surpris, ils ont fait marche arrière pour tenter de rendre intelligible ce mot obscur à notre cervelet, impatients de passer à la suite. Mais ce substantif (ou adjectif selon le contexte), nos quinquets ne l’avaient jamais vu. On était aussi bien en peine de savoir s’il se prononçait "panne" (ce qui, associé à "sexuel", paraissait problématique) ou pan (comme un coup de fusil).

On s’est dit que, comme nous, vous aimeriez sans doute en savoir plus sur ce mot et sur l’évolution des représentations sexuelles dont il est symptomatique. A cet effet, nous avons interviewé Pauline, 23 ans, qui se revendique pansexuelle. 

"Pan", qui ne se prononce pas "panne", signifie étymologiquement "tout" en grec. Pour Pauline, « être pansexuel, c’est ne pas avoir une vision binaire du genre et du sexe, c’est une vision plus pluraliste où il n’y a pas de distinction homme/femme. Tu tombes amoureux ou tu es attiré par une personne pour sa personnalité, pour ce qu’elle est, indifféremment du reste », nous explique-t-elle.

Lorsqu’on lui demande si le terme qui nous était alors inconnu est très répandu, elle répond : « il y a tellement de nouveaux termes pour définir les types de sexualité qui paraissent… Oui sur les sites comme Tumblr, sur des blogs, ou au sein de la communauté LGBT, il est couramment employé. Sur Urban dictionary, je suis sûre que tu trouves plein de définitions. Il existe même des numéros spéciaux pour te renseigner sur la communauté LGBTQ+. » 

Curieux de comprendre comment l’on découvre sa pansexualité, nous interrogeons Pauline sur sa propre histoire : « quand as-tu découvert que tu étais pansexuelle ? »

« Ça m’est vraiment tombé sur le coin de la gueule. J’avais une amitié très forte avec une fille d’apparence très masculine. Elle m’a avoué ses sentiments et j’ai commencé à me poser la question. J’étais tiraillée entre mon envie d’entamer une relation avec elle et l’incompatibilité de cette décision avec ce que j’avais toujours pensé être : une hétéro intéressée par les hommes. J’ai été voir un psy, je n’ai jamais réussi à lui parler franchement. J’ai commencé à sortir avec cette personne, j’ai arrêté de me questionner et d’envisager d’en parler à qui que ce soit. Les filles ne m’attirent pas d’habitude, je sais que je ne sortirai jamais avec une nana féminine. Mon ex-copine était née dans le mauvais corps, elle entreprend maintenant une opération pour changer de sexe. En somme, je suis sortie avec une transexuelle pendant trois ans. Je n’ai pas mis un nom tout de suite sur mon identité sexuelle, j’ai découvert le mot bien plus tard en allant sur des forums. »

Suite à quelques recherches, nous découvrons que l’apparition du mot "pansexuel" n’est pourtant pas récente. Il a été inventé au XXe siècle par des médecins, mais a été abandonné au profit des mots "homosexuel", "hétérosexuel" et "bisexuel", qui se sont eux démocratisés. Il a été reconvoqué à la fin des années 90, début des années 2000, lorsque le mouvement queer ("terme utilisé pour regrouper les identités non-conventionnelles – LGBT, soit les personnes non hétéronormées, Transféminisme 101) prend de l’ampleur.

Nous demandons donc à Pauline si l’emploi de nouveaux termes pour traduire les différentes identités sexuelles est important, « est-ce qu’on ne s’y perd pas un peu ? »

« Oui c’est important, ça permet de créer un sentiment de communauté, de proposer des définitions auxquelles tu peux t’identifier. Ça évite que certains se sentent seuls, anormaux. Il y a des gens non binaires qui ne se retrouvent pas dans les critères des deux genres. Après, ça peut aussi être dangereux cette multiplication de termes, si cela crée des communautés exclusives et agressives envers les gens qui ne correspondent pas exactement à la définition, selon elles. À la gaypride, certains gueulent si ceux qui viennent ne sont pas assez gays pour eux. Il faut aussi faire attention aux représentations clichées de ces catégories. Souvent on imagine que les pansexuels sont très portés sur le sexe, parce qu’ils auraient moins de choix à faire, plus de possibilités. En gros ils ne veulent pas choisir. Mais ce n’est pas parce que tu es pansexuel que tu couches à tout va. Je suis une serialmonogame, je cherche des relations sérieuses et je sors toujours avec une seule personne à la fois. Tu peux être pansexuel et assexuel, tomber amoureux d’une personne peu importe son genre mais ne pas ressentir d’attraction sexuelle. Je suis une femme cisgenre (dont l’identité de genre féminin correspond au sexe féminin qui lui a été assigné à la naissance), pansexuelle, mais il y a plein d’autres profils. »

Nous l’interrogeons alors sur ce qui pourrait être entrepris selon elle pour déconstruire les clichés et démocratiser la pansexualité. « Le genre non-binaire et la transsexualité ne sont pas représentés à l’école », regrette t-elle, « on évoque que les genres binaires homme/femme. Il faudrait apprendre aux gosses dès leurs cours d’éducation sexuelle que des sexualités alternatives existent, qu’il y a une diversité des genres. Plutôt que l’aspect reproductif de la sexualité, on devrait mettre l’accent sur l’aspect psychologique. On a plein de progrès à faire de ce côté-là, il faudrait aussi davantage parler d’avortement etc. »

Si on constate effectivement de grosses lacunes sur le plan éducatif, on peut se réjouir que la communauté pansexuelle soit de plus en plus représentée sur la scène médiatique, grâce aux youtubers et aux stars qui s’y identifient ouvertement. La chanteuse et actrice américaine Janelle Monae au magazine Rolling Stones, la chanteuse québecoise Coeur de Pirate via un tweet (« pansexuelle, queer si vous voulez. J’aime tous les êtres humains. »), Miley Cyrus au magazine ELLE, Christine and The Queens durant l'émission On n’est pas couché, toutes ces célébrités ont revendiqué publiquement leur orientation sexuelle pan, qui est plus répandue qu’on ne croit.

En effet, une enquête a été menée par des sociologues et l’association Lutte contre les discriminations (LCD) auprès de 1 147 personnes LGBTI (lesbiennes, gay, bisexuelles, transgenres, intersexe) et 7,1% des personnes interrogées, principalement des jeunes de moins de 30 ans, se sont identifiés comme étant pansexuels. Par ailleurs, l’enquête a mis au jour 13 noms d’identité sexuelle différents, qui révèlent un besoin croissant de mieux refléter la diversité et la spécificité des genres et de sortir d’une représentation binaire non représentative.