A l'ère d'Internet, la culture est une forme de plat du dimanche qu'on réchauffe de manière fragmentaire, décousue. Parce qu'on y accède rapidement, à profusion, on en reprend une part à l'occasion, mais on ne la consomme jamais d'un coup. On la met au micro-ondes, et, comme un plat surgelé, son contenu menu fast culture ne doit pas dépasser les 15 minutes. A table !
C'est seulement en 1998 que Google a été fondé, aux Etats-Unis. Le bébé numérique de Mark Zuckerberg, lui, devient accessible à tous en septembre 2006. YouTube voit le jour dans un espace temporel similaire, en 2005. Avant cette époque, jeune millénial, l'art ne se consommait pas comme un sachet de merguez en phase de péremption. Tes parents ont dû t'en parler : en ce temps-là, on goûtait les choses, on les savourait. Maintenant, Internet offre l'accès simplifié à la culture : livres, films, spectacles, images et musique sont prodigués en deux battements de clic. L'occasion de gober un maximum d'infos en un minimum de temps.
YouTube : le nouvel eldorado de la fast culture ?
En France, on recense au moins 100 youtubeurs à plus de un million d'abonnés. Décrié, YouTube n'est pourtant pas (que) le moyen de regarder des vidéos de chats tout mignons ou des zappings spécial clashs télévisuels. C'est aussi l'eldorado d'une forme de culture accessible, variée et instantanée. Selon les catégories, un condensé d'infos est proposé à l'abonné curieux, en mal de savoir et de temps.
Les revues du monde
Pour l'abreuver, Les revues du monde propose par exemple à ses quelques 271 000 followers des formats courts et instructifs sur l'archéologie, l'histoire, l'anthropologie. Chacune d'entre elles dure 10 minutes au maximum. Celle-ci - traitant du mystère des chambres secrètes sous le site archéologique de Teotihuacan - a été vue plus de 230 000 fois.
Doc seven
La chaîne à visée éducative se calque sur le modèle de la fast consommation. Objectif ? mémoriser un maximum de choses en un minimum de temps (15 minutes est le temps de la vidéo la plus longue). Ici, les sujets sont fragmentés en sept points anecdotiques dont on ne cite que l'information principale. On vulgarise notamment l'histoire, la linguistique ou la mythologie grecque.
Les séries pour gens pressés
A l'inverse des millions de milliers de Game of Thrones enrôlés, certains consomment la série avec modestie. Il s'agit même d'une catégorie de personnes que deux plateformes ont pris en compte. On retrouve sur Studio + et Blackpills des épisodes n'excédant jamais dix minutes, comme si, adepte mais pressé, le nouveau consommateur nécessitait un format à adapter à sa vie chronométrée.
500 pages en quelques mots
Peut-être encore plus que pour toute autre forme de culture, la littérature est un vaste terrain vague sur lequel tout le monde n'aime pas forcément rôder. Si Guerre et Paix est un ouvrage marquant comme il en est peu, il faut avoir le temps, l'appétence et la volonté d'en déchiffrer les 1 572 pages. A défaut, un site propose gracieusement aux internautes de « booster leurs connaissances avec les résumés des livres les plus cool du moment à lire en 20 minutes ». Plus de 40 résumés en français, du management entrepreunarial à l'art de la subversion, sont publiés. Près de 90 000 utilisateurs en font l'usage. Pas de rentrée littéraire pour les héritiers de Koober.
De l'art sur les réseaux
Les nouveaux usages numériques ne sont pas sans dessiner quelques promesses. Parmi elles, celle d'ouvrir les frontières de l'art à un public non aguerri. Sur le site WhoArtYou, on met notamment en relation de jeunes passionnés. Le concept ? Via le réseau social, ils publient des photos des pièces de musées qu'ils ont visités pour les partager à la communauté. Mais chacun est libre d'élargir le terrain en relayant une info culturelle qui l'a marqué dans l'espace public : dans les parcs pour une particularité, au restaurant pour le design, dans la rue pour le street art... L'application est gratuite et a pour objectif de découvrir et faire découvrir de nouveaux artistes aux membres ralliés.
Et alors ?
Finalement, et si, toi, jeune millénial, tu demandais à tes parents d'arrêter de pester ? L'historien de l'art Daniel Arasse, dans son œuvre Le détail, défend l'idée selon laquelle le détail, celui qui nous saute aux yeux, a autant d'importance que le reste. Une micro partie d'une œuvre serait plus révélatrice que le tout. Un infime extrait d'un film s'inscrute d'ailleurs bien plus durablement dans la mémoire qu'une scène entière. Il donne aussi une précision sur son sujet... Selon l'universitaire Laurent Jenny, ce sont d'ailleurs des « traces d'œuvres d'art qui habitent notre vie mentale et qui affectent notre vision, notre intelligibilité du monde ». Good to know.