Le Bonbon

Le véganisme va-t-il trop loin ?

Fromages véganes, festivals véganes, ateliers œnologiques véganes et même désormais youtubeurs véganes… C’est un fait, qu’on y adhère ou pas, le véganisme est de plus en plus présent dans notre société et infiltre peu à peu tous les domaines de la consommation, de la food à la cosmétique en passant par la culture et les loisirs. Mais le véganisme peut-il véritablement s’appliquer à tout ? A force d’être omniprésent dans la sphère publique, ne va-t-il pas trop loin ?


Un mouvement de plus en plus tendance

Depuis ces cinq dernières années, le véganisme n’a cessé de faire des émules. De 500 membres en 2008, l’AVF (l’Association Végétarienne de France) est passée à 5000 en 2017. Pour rappel, se définissent comme véganes les personnes qui refusent toute forme d'exploitation animale. Aussi appelés végétaliens, ils ne consomment donc aucun produit issu d’animaux, qu’il s’agisse de nourriture (œufs, lait, miel…), de cosmétiques ou de vêtements (cuir…). Si cette position radicale peut en énerver certains, il n’empêche que le véganisme séduit de plus en plus, au point que très régulièrement, de nouvelles adresses parisiennes ouvrent et de nouveaux médias lui consacrent des articles.

Parallèlement à cela, de plus en plus d’événements culturels véganes sont organisés à Paris, à l’instar de la Vegan Pride ou du Smmmile Vegan Pop Festival, un festival mêlant concerts, ateliers culinaires, projections et conférences sur le thème du véganisme. Même la sexualité est désormais concernée, avec des sex-shops proposant sex-toys et préservatifs n’utilisant aucune matière animale. Quant au dernier quartier en vogue à Paris, il regroupe toutes les adresses vegan friendly du 10e et est baptisé… Veggietown.

Alors certes, l’idée derrière le mouvement végane est noble : lutter contre l’exploitation animale. Mais au quotidien, la surmédiatisation de ce mouvement ne contribuerait-il pas à le déprécier ? Et qu’en est-il des marques qui surfent sur la tendance du végane pour mieux faire du chiffre ? Selon Elodie Vieille Blanchard, présidente de l’AVF, la médiatisation ne peut que jouer en faveur du mouvement végane : « plus les médias parleront du véganisme, plus le grand public sera informé de ce dont il s’agit, plus cela contribuera à rendre l’idéal végane accessible. »


Une médiatisation qui sert la cause...

Si en pratique il est encore difficile aujourd’hui d’être 100% végane, il est néanmoins indéniable que plus il y aura de gens qui s’intéressent à ce mode de vie, plus les industries se verront obligées de faire évoluer leurs modes de production, rendant le véganisme de plus en plus concret. Du point de vue de l’AVF, l’obsession actuelle pour le véganisme crée donc un cercle plutôt vertueux pour les végétaliens : plus on en parle, plus le mouvement fait de nouveaux adeptes, plus les marques se voient obligées de proposer de nouvelles offres qui collent à la tendance, et plus le nombre de personnes à même d’être intéressées par le véganisme augmente. Et si cette omniprésence peut en énerver quelques-uns, qui y voit avant tout une simple mode, tant pis.

Car si les végétaliens étaient encore complètement marginalisés il y a quinze ans, aujourd’hui le véganisme est bel et bien devenu tendance. « Que le véganisme soit considéré comme un mouvement tendance ne fait au contraire que le rendre plus attractif », affirme Elodie Vieille Blanchard, qui voit avant tout le côté positif de cette médiatisation. « Après tout, c’est comme en période électorale, ajoute-elle en souriant, souvent les gens votent inconsciemment pour les candidats qu’ils ont le plus vus. »


... mais qui empêcherait de se poser les vraies questions

D’autres, à l’inverse, estiment que trop parler du véganisme empêcherait d’aborder le vrai sujet qui se cache derrière, à savoir l’anti-spécisme. Selon Cédric Stolz, porte-parole de l’association 269 Life France, qui lutte contre l’exploitation animale, le véganisme n’est que la conclusion d’une réflexion beaucoup plus profonde concernant la domination des êtres humains sur les autres animaux. « En récupérant le message végane, les industriels le réduisent à un simple mode de consommation tendance, ils n’engagent pas de réflexion sur la suprématie humaine, sur le fait que les autres espèces sont elles aussi des êtres sensibles. » 

Selon lui, les industriels tentent avant tout de se racheter une image auprès du grand public en misant sur le véganisme, mais ils n’incitent pas à remettre véritablement en question la place de l’être humain vis-à-vis des autres espèces. Un véganisme qui n’irait finalement presque pas assez loin selon Cédric, ou du moins pas assez pour engager une vraie réflexion autour des questions qui sous-tendent ce mouvement.

Finalement, le véganisme trop poussif, ou pas encore assez ? Une seule chose est sûre, qu’on y voit une simple tendance ou l’illustration d’une vraie revendication, la présence du véganisme est de plus en plus prégnante dans notre société, de plus en plus préoccupée par l’environnement et le "mieux manger". Alors à tous ceux qui ne peuvent plus entendre parler de tofu soyeux sans avoir de pulsions meurtrières, préparez-vous à prendre votre mal en patience, car il semblerait que le véganisme n’ait pas fini de faire parler de lui.