Il a fait les arts déco de Strasbourg, mais ses œuvres ne ressemblent à rien de ce que vous avez pu voir jusqu'ici – on pourra tout au plus le rapprocher du mouvement dadaïste pour sa façon de réutiliser et de transformer des objets du quotidien, ou encore du mouvement surréaliste pour ses associations absurdes, libérées d'une quelconque raison.
Surtout, Sébastien Fritschy pratique, façon rococo, en mêlant objets contemporains et vieilleries de récupération, ce qu'on appelle l'art religieux, l'art sacré : nombre de ses créations incluent des icônes religieux, des vierges Marie notamment. « Un hommage à ma grand-mère espagnole catholique », confie-t-il.
© « Ex-Votto », smartphone dans une église, coque IPhone et ornements, 40 x 13cm, Mexico 2016. © Sébastien Fritschy
Aujourd'hui, trois ans après avoir fait ses armes à l'École supérieure des arts décoratifs de Strasbourg, il continue d'écumer les brocantes et Emmaüs à la recherche d'objets qu'il pourrait intégrer à ses créations. La récup et les associations insolites sont les mots d'ordre de son art pour le moins singulier.
Crânes et ossements d'animaux, pieds de lampes, miroirs, cuillères, perles, dentelle, coquillages, plumes, bijoux, figurines et petits jouets, tissus ou même micro-onde : si, les choses annoncées comme ça, on pense à une immense pagaille, il n'est pas exagéré de dire que Sébastien Fritschy, à coups d'assemblages, change ce qu'il touche en merveilles. Et toujours en mêlant habilement vieilles choses et objets récents, brouillant la frontière entre les époques.
Une inspiration qui date de l'enfance
© Sébastien Fritschy
Et quand on lui demande d'où vient son inspiration, il a la modestie sincère de ceux pour lesquels l'art est naturel : difficile d'y mettre des mots. En oiseau de nuit, il explique qu'il veille régulièrement jusqu'au matin quand il crée. « À tel point que ça m'embête de devoir m'arrêter pour manger ou dormir : ça devient une perte de temps », ajoute-t-il.
En creusant un peu, Sébastien décèle un début de raison à son inspiration dans son enfance : il explique avoir été traumatisé et très marqué par un déménagement. Il se souvient : « Nous habitions dans une maison traditionnelle, à la décoration chaleureuse. Mes parents ont voulu en changer pour une maison moderne, impersonnelle, type Ikéa. » Il continue :
« Quand ma grand-mère espagnole est décédée, j'ai récupéré ses affaires. C'est là que j'ai commencé à assembler des objets entre eux. Je devais avoir 13 ou 14 ans. »
C'est un voyage de plusieurs mois au Mexique qui achèvera de peaufiner la patte de Sébastien Fritschy : les créations chargées, aux couleurs criardes, brillantes, et l'importance de l'or et des figures sacrées prennent une place considérable dans ses œuvres. « Je suis revenu du Mexique avec des valises remplies de paillettes... », se rappelle l'artiste.
C'est aussi là-bas qu'il aura l'idée de créer sa série de coques de téléphone façon art sacré (voir l'image en haut de l'article) : « Je suis allé dans une église, et j'ai vu une femme agenouillée, la tête baissée vers ses mains jointes. En m'approchant, je me suis rendu compte qu'elle ne se recueillait pas, mais avait les yeux rivés sur son smartphone. »
« Vélo Roccoco », fer à béton, tissus et ornements divers, 240 x 100 x 180 cm, 2017. © Sébastien Fritschy
Aujourd'hui, Sébastien Fritschy dédie son temps libre à la création, mais rêve de pouvoir travailler en tant que costumier pour les opéras. Aussi doué en couture qu'en assemblage, il a déjà réalisé une tenue pour une danseuse burlesque, une besace Chanel en sachet poubelle ou encore une veste, actuellement exposée au Palais-Royal de Paris.
En attendant de pouvoir admirer ses créations superbement rocambolesques lors d'une exposition strasbourgeoise (on espère !), nul doute qu'il sera bientôt reconnu pour ses œuvres à nulles autres pareilles.